Le statut de la pratique du dhikr à haute voix au sortir de la prière.
Certains frères pratiquent le dhikr ( rappel d'Allah)à haute voix au sortir des prières notamment celle de l’aube en se référant à un hadith d’Ibn Abbas et à d’autres. Ces gens là perturbent les autres prieurs et quand on le leur fait savoir, ils rétorquent : « nous ne faisons que nous conformer à la Sunna et si les autres élevaient leurs voix comme nous, ils ne nous entendraient pas et nous ne les gênerions pas ! ». Leur comportement est –il correct ? Faut-il forcer les autres à élever leur voix, sur en sachant qu’il y a parmi eux, l’illettré et le vieux qui ne réagit pas facilement ? A quel degré faudrait-il élever la voix ?
Premièrement, il y a une divergence au sein des
ulémas sur la pratique du dhikr à haute voix au sortir de la
prière. Certains d’entre eux considèrent cette pratique
comme une sunna. D’autres la réprouvent et soutiennent que le Prophète (bénédiction
et salut soient sur lui ) ne l’avait pas perpétuée ; il l’avait faite
pour les besoins de son enseignement puis l’avait abandonnée.
La cause de la divergence de vues provient d’une
différence d’interprétation concernant un hadith rapporté par al-Boukhari
(805) et par Mouslim (583) d’après Abou Mabad, un affranchi d’Ibn Abbas, selon
lequel ce dernier l’avait informé que la pratique du dhikr à haute
voix au moment où les gens viennent de terminer la prière prescrite se faisait
du vivant du Prophète (bénédiction et salut soient sur lui ) et il avait ajouté :
c’est cette pratique qui permettait de savoir que les gens avaient terminé
la prière.
Une version
d’al-Boukhari (806) et de Mouslim (583), toujours rapportée d’Ibn Abbas, lui
attribue ces propos : « C’est le takbir (Allah akbar) prononcé
à haute voix qui nous permettait de savoir que le Prophète (bénédiction et
salut soient sur lui ) venait de terminer sa prière ».
Les avis divergent quant à savoir si la pratique
était maintenue durablement par le Prophète (bénédiction et salut soient sur
lui) ou pas ? Et si elle s’oppose ou pas à la parole du Très Haut :
« Et invoque ton Seigneur en toi-même, en humilité
et crainte, à mi-voix, le matin et le soir, et ne sois pas du nombre des insouciants.»
(Coran, 7 : 205)
Parmi ceux qui approuvait la pratique figurent
Ar-Tabari, Ibn Hazm, Cheikh al-islam (Ibn Taymiyya) et d’autres. D’autres
comme Chafii et la majorité des ulémas soutiennent que l’élévation de la voix
ne visait que l’enseignement. Chafii (Puisse Allah lui accorder sa miséricorde)
a dit : « Mon choix pour l’imam et celui qui prie sous sa direction
est qu’ils se mettent à pratiquer le dhikr discrètement au sortir de
la prière, à moins qu’il s’agisse d’un imam dont les actes servent d’enseignement ;
celui-là doit élever sa voix de sorte à se rendre compte qu’on a bien appris
(ses paroles).
Puis il se réimpose le dhikr à basse voix.
En effet, Allah le Puissant et Majestueux dit : « Et dans ta Salâ,
ne récite pas à voix haute; et ne l'y abaisse pas trop, mais cherche le juste
milieu entre les deux'. » (Coran, 17 :110 ). Il entend
par là – Allah le sait mieux – parler de l’invocation.
L’expression « laa tadjhar »
signifie : n’élève pas (ta voix) et l’expression : « laa
touxaafrit » signifie : ne la baisse pas au point de ne pas
être entendu.
Je présume que ce qui a été rapporté par Ibn Zoubayr
concernant la pratique par le Prophète (bénédiction et salut soient sur lui
) du dhikr à haute voix comme ce qu’Ibn Abbas a rapporté concernant
le takbiir effectué de la même manière, je présume, dit Chaffii, qu’il
s’agisse d’une légère élévation de la voix pour permettre aux gens d’apprendre,
car toutes les versions que nous avons recueillies en même temps que la présente
ne mentionnent pas la pratique du dhikr ou du takbiir à haute
voix après la prière.
Parfois on mentionne que le Prophète ( bénédiction
et salut soient sur lui ) a pratiqué le dhikr comme indiqué plus haut,
parfois on mentionne qu’il est reparti sans le faire.
Oum Salamata mentionna que le Prophète (bénédiction
et salut soient sur lui ) restait un moment sur son lieu de prière après la
fin de celle-ci sans indiquer qu’il pratiquait le dhikr à haute voix
et je présume qu’il ne restait sur place que pour se livrer à un dhikr
discret ». Extrait d’al-Oumm, 1/127.
Ibn Hazm (Puisse Allah lui accorder sa miséricorde)
a dit : « C’est une bonne chose que d’effectuer le takbiir
à haute voix au sortir de chaque prière ». Extrait de al-Mouhalla,
3/180.
Dans Kashf al-Quinaa (1,366) Al-Bahouti
rapporte que Cheikh al-islam (Ibn Taymiyya) recommandait la pratique du dhikr
à haute voix et il lui attribue ces propos : « Il est recommandé
de prononcer à haute voix au sortir de chaque prière les formules :
Soubhana Allah, al-hamd lillah, Allah akbar
Interrogé sur la question, Cheikh Muhammad Ibn
Sahih al-Outhaymine (Puisse Allah lui accorder sa miséricorde) dit :
« La pratique du dhikr à haute voix au sortir des prières préscrites
repose sur la sunna ; elle s’atteste dans un hadith qu’al Boukhari a
rapporté d’Ibn Abbas selon lequel la pratique du dhikr à haute voix
au sortir de la prière se faisait du vivant du Prophète (bénédiction et salut
soient sur lui ) et il ajoute : » quand je l’entendais je savait
qu’ils venaient de terminer leur prière » (rapporté par l’imam Ahmad
et par Abou Dawoud).
Dans les deux Sahih, est cité un hadith d’al- Moughira
ibn Shoriba (P.A.a) dans lequel il dit : « J’ai entendu le Prophète
(bénédiction et salut soient sur lui ) dire au sortir de sa prière :
« laa ilaaha illa Allah wahdahou laa sharika lahou ». (il
n’y a point de dieu en dehors de Dieu qui est seul sans associé). Or, pour
se faire entendre, il faut élever sa voix.
Ont choisi la pratique du dhikr à haute
voix, Cheikh al-islam Ibn Taymiyya (Puisse Allah lui accorder sa miséricorde)
et un groupe des anciens et de leurs successeurs compte tenu des deux hadith
rapportés par Ibn Abbas et par al-Moughira (P.A.a). L’élévation de la voix
s’applique à tout dhikr autorisé après la prière ; qu’il s’agisse
du tahil : laa ilaaha illa Allah, du tasbih : soubhana Allah,
du takbiir : Allah akbar ou du tahmiid, compte tenu de
la portée générale du hadith d’Ibn Abbas et compte tenu du fait que rien n’a
été rapporté du Prophète pour établir une distinction entre le tahliil
et les autres formule de dhikr. Bien plus, le hadith d’Ibn Abbas indique
que c’est grâce au takbiir effectué à haute voix qu’ils savaient que
la prière dirigée par le Prophète (bénédiction et salut soient sur lui ) venait
de se terminer. Ce qui permet de connaître la réponse à donner à celui qui
dit que l’élévation de la voix ne s’applique pas au tasbiih, au tahmiid
et au takbiir.
Quant à celui qui dit que la pratique du dhikr à haute voix
relève de l’innovation, il a tort car comment qualifier d’innovation une pratique
en cours du vivant du Prophète (bénédiction et salut soient sur lui) Cheikh
Souleymane ibn Sahmane (Puisse Allah lui accorder sa miséricorde) a dit :
« Il a été rapporté de manière sûre que ladite pratique fut conduite
et approuvée par le Prophète (bénédiction et salut soient sur lui). Ses compagnons
qui l’avaient apprise de lui, l’appliquaient avec son approbation ; ils
l’avaient bien apprise de lui et appliquée avec son consentement.
Quant à l’évocation par celui qui conteste le bien
fondé de la pratique de la parole du Très Haut : « Et invoque ton
Seigneur en toi-même, en humilité et crainte, à mi-voix, le matin et le soir. »
nous lui disons que celui qui avait reçu l’ordre de pratiquer le dhikr
discrètement est celui-là même qui pratique le dhikr à haute voix au
sortir des prières prescrites. Est-ce que celui qui conteste connaît mieux
que le Prophète (bénédiction et salut soient sur lui ) la volonté d’Allah ?
Ou croit-il que le Messager d’Allah connaissait cette volonté mais avait agi
contrairement ? En plus, le verset concerne le dhikr pratiqué
en début et en fin de journée. Aussi ne s’applique-t-il pas au dhikr
pratiqué au sortir des prières. Dans son exégèse du Coran, Ibn Kathir interprète
l’élévation de la voix (réprouvée) comme étant celle qui implique une exagération.
Quant à l’évocation par celui qui conteste le bien
fondé de la pratique de la parole du Prophète. « Ocirc; gens, ménagez-vous.. »
nous lui disons que c’est l’auteur même de ces propos qui pratiquait le dhikr
à haute voix au sortir des prières prescrites. Ceci a sa place et cela à la sienne. Et la bonne observance consiste en une application
pertinente des textes. En outre, le contexte des propos : « Ocirc;
gens, ménagez-vous… » permet de comprendre qu’ils étaient adressés à
des gens qui se livraient à une exagération pénible pour eux-mêmes. C’est
pourquoi on leur dit : « ménagez-vous » c’est-à-dire :
ne vous fatiguez pas trop. Or la pratique du dhikr à haute voix au
sortir de la prière ne nécessite pas un effort pénible.
Quant à celui qui dit que cela constitue une source
de perturbation, on lui dit : si vous entendez par là que cela perturbe
celui qui n’y est pas habitué, nous disons que quand le croyant se rend à
l’évidence qu’il s’agit de la pratique d’une sunna, il ne se sent plus perturbé.
Si vous entendez par là que la perturbation concerne ceux qui sont encore
en prière, nous sisons que s’il ne s’agit pas de gens qui accomplissent une
partie qu’ils auraient ratée de la prière de l’imam, le dhikr à haute
voix ne les perturbe pas comme l’atteste la réalité car ils y participent.
Si parmi les fidèles, il y a quelqu’un qui rattrape une partie ratée de la
prière dirigée par l’imam, s’il se trouve près de vous, n’élevez pas la voix
de manière à le perturber, s’il se trouve loin de vous, il n’est pas perturbé
par votre dhikr à haute voix.
Ce que nous avons dit montre clairement que la
pratique du dhikr à haute voix est conforme à la Sunna et que ni un
texte authentique ni un raisonnement correct ne s’y opposent ».
Il dit encore : « Si les voix se mélangent,
elles se neutralisent de manière à annihiler toute perturbation (pour les
participants). C’est ce que nous constatons maintenant le jour du vendredi
quand tout le monde lit le Coran et que les prieurs prient sans que les uns
perturbent les autres ».
Le même Cheikh (Puisse Allah lui accorder sa miséricorde)
dit encore : « L’important est que l’avis le mieux soutenu
est qu’il est conforme à la sunna de pratiquer le dhikr au sortir des
prières et qu’il est aussi conforme à la sunna de le faire à haute voix, pourvu
de ne pas gêner car cela ne convient pas. Quand les gens, revenant de khaybar,
se mirent à pratiquer le dhikr à haute voix en présence du Messager (bénédiction
et salut soient sur lui), il leur dit : « Ocirc; gens, ménagez-vous… »
Aussi entend on par « élévation de la voix » une intonation qui
ne soit ni pénible ni dérangeant » Extrait de Madjmou fatawa Cheikh
Ibn Outhaymine, 13/247-261.
Deuxièmement, ce que nous avons mentionné montre
clairement qu’il y a grande latitude en la matière et que la question fait
l’objet d’une vieille divergence de vues. Peut-être l’opinion du Cheikh (Puisse
Allah lui accorder sa miséricorde) soutenant une élévation modérée de la voix
est elle la mieux argumentée.
Quant à ceux auquels vous avez fait allusion, à
savoir les gens du commun et les vieillards, ils s’habitueront plus tard à
la pratique. Et il serait pertinent de leur citer les propos du Cheikh
(Ibn Outhaymine) afin qu’ils connaissent la Sunna et désirent l’appliquer.
Puisse Allah assister tout le monde à faire ce
qu’il aime et agrée.
Allah le sait mieux