Question : Si je m’abstiens de prier par paresse, doit-on me considérer comme un mécréant ou comme un musulman pécheur ?
Réponse
Louange à Allah
L’imam Ahmad soutient l’impiété de celui qui abandonne la prière
par paresse. Cet avis est le plus solide parce qu’étayé par des arguments
tirés du Coran, de la Sunna, des propos des anciens et de l’examen
exact. Voir ash-Sharh al-mumti’ ala zad al-mustaqna, 2/26.
Celui qui réfléchit profondément sur les textes du Coran et de
la Sunna découvre qu’ils indiquent que celui qui abandonne la prière
tombe dans l’infidélité qui l’exclut de la religion. Voici ce qu’en dit le
Coran : « Mais s' ils se repentent, accomplissent la Salâ
et acquittent la Zakat, ils deviendront vos frères en religion. Nous
exposons intelligiblement les versets pour des gens qui savent. » (Coran,
9:11).
Les arguments à tirer de ce verset consistent en ceci que Allah le Très Haut
fait reposer notre fraternité avec les polythéistes sur trois conditions :
le repentir du polythéisme, l’observance de la prière et l’acquittement de
la zakat. S’ils rompent avec le polythéisme sans prier ni payer la
zakat, ils ne seront pas nos frères. S’ils célèbrent la prière et n’acquittent
par la zakat, ils ne seront pas non plus nos frères. La fraternité
en religion n’est exclue que quand l’individu quitte entièrement la religion.
La désobéissance ne l’annihile pas et il y a mécréance et mécréance moindre.
Allah le Très Haut dit encore à ce propos : « Puis leur succédèrent des
générations qui délaissèrent la prière et suivirent leurs passions. Ils se
trouveront en perdition, » (Coran, 19 :59 ). L’argument que donne ce
verset se présente ainsi : après avoir parlé de ceux qui négligent la prière
et se livrent à leur passion, Allah dit : « à l’exception de celui qui
se repent et croit » Ce qui implique qu’au moment où les intéressés négligent
la prière et se livrent à leur passion, ils ne sont pas croyants.
Quant à l’indication par la Sunna de l’impiété de celui
qui abandonne la prière, elle réside dans les propos du Prophète (bénédiction
et salut soient sur lui) « l’engagement qui nous lie à eux repose sur
la prière. Quiconque l’abandonne devient mécréant ». (Rapporté par Ahmad,
Abou Dawoud, at-Tarmidhi, an-Nassaï et Ibn Madja. L’impiété dont il est question
ici est celle qui exclut son auteur de la religion car le Prophète (bénédiction
et salut soient sur lui) considère la prière comme le signe qui permet de
distinguer entre les croyants et les mécréants. Or il est bien connu que la
voie de l’impiété n’est pas celle de l’Islam et quiconque n’est pas lié par
ledit engagement fait partie des infidèles.
Le hadith d’Awf Ibn Malick (P.A.a) va dans ce sens car le Prophète (bénédiction
et salut soient sur lui ) y dit : « les meilleurs de vos chefs sont ceux
que vous aimez et qui vous aiment, ceux qui prient pour vous et pour qui vous
priez. Les pires de vos chefs sont ceux que vous haïssez et qui vous haïssent,
ceux que vous maudissez et qui vous maudissent » On lui dit alors : ô
messager d’Allah, ne devrons-nous pas les combattre par l’épée ? « Non,
tant qu’ils célébreront avec vous la prière » conclut-il. Ce hadith indique
que l’on doit prendre l’épée et combattre les gouvernants qui n’observent
pas la prière. Or il n’est pas permis de s’opposer violemment aux gouvernants
que quand ils commettent une impiété claire que nous pouvons prouver grâce
à une évidence venue d’Allah le Très Haut. A ce propos, Ubada Ibn Samit (P.A.a)
dit : « Le Messager d’Allah (bénédiction et salut soient sur lui) nous
a appelés et nous lui avons prêté serment et il nous a engagés à l’écouter
et à lui obéir dans ce qui nous attire comme dans ce que nous réprouvons ;
dans ce qui nous est facile comme dans ce qui nous est difficile, de sorte
à le préférer à nous-mêmes et à ne pas disputer le pouvoir à ses détenteurs,
à moins, dit-il, que vous ne constatiez une impiété claire que pouvez prouver
grâce à une évidence venue d’Allah » (rapporté dans les Deux Sahih).
Ceci indique que l’abandon de la prière de la part des gouvernants, qui nous
autorise à les combattre, constitue une impiété claire que nous devons pouvoir
prouver grâce à une évidence venue d’Allah.
Si l’on dit : pourquoi pas penser que ces textes visent celui dot l’abandon
de la prière repose sur la négation de son caractère obligatoire ?
Nous disons que cela n’est pas permis parce qu’il implique deux choses à éviter.
La première consiste à annuler l’aspect considéré par le législateur et sur
lequel il fait reposer le jugement. En effet, le jugement de l’infidélité
est lié par le législateur à l’abandon et pas à la négation. De même il fait
dépendre la fraternité en religion de l’observance de la prière et non de
l’affirmation de son caractère obligatoire. En effet, Allah le Très Haut n’a
pas dit : « S’ils se repentent et reconnaissent l’obligation de prier »
et le Prophète (bénédiction et salut soient sur lui ) n’a pas dit :
« Seule la négation du caractère obligatoire de la prière sépare le fidèle
de l’impiété et du polythéisme ou «l’engagement qui nous lie à eux repose
sur la reconnaissance du caractère obligatoire de la prière. Quiconque en
nie le caractère obligatoire est mécréant. » Si ce sens était voulu par
Allah le Très Haut et son Messager, le fait de ne pas l’exprimer clairement
serait contraire à la bonne explication pour laquelle le Coran est révélé.
A ce propos, le Très Haut dit : « Et Nous avons fait descendre
sur toi le Livre, comme un exposé explicite de toute chose, ainsi qu'un guide,
une grâce et une bonne annonce aux Musulmans. » (Coran,16 :89) et
dit à l’adresse de Son prophète : « En vérité c' est Nous qui
avons fait descendre le Coran, et c' est Nous qui en sommes gardien. ».
La deuxième chose à éviter est de considérer un aspect dont le législateur
ne fait pas dépendre le jugement. En effet, la négation du caractère obligatoire
des cinq prières entraîne l’impiété de tout musulman qui n’a aucune excuse
de l’ignorer. Qu’il pratique la prière ou pas. Si une personne acquittait
les cinq prières en respectant leurs conditions, leurs parties essentielles,
leurs pratiques obligatoires et leurs pratiques recommandées tout en niant
sans excuse leur caractère obligatoire, elle n’en serait pas moins mécréante
malgré son observance des prières.
De ceci ressort que le fait d’appliquer ces textes à celui qui
abandonne la prière et nie son caractère obligatoire n’est pas juste. Ce qui
est juste c’est que celui qui abandonne la prière tombe dans une impiété qui
l’exclut de l’Islam. Cette idée est indiquée clairement dans un hadith rapporté
par Abou Hatim dans ses Sunan d’après Ubada Ibn Samit (P.A.a) qui a
dit : « Le Messager d’Allah nous disait ceci en guise de recommandation
: n’associez rien à Allah, n’abandonnez pas la prière. Quiconque l’abandonne
délibérément s’exclut de l’Islam ». En plus, si nous interprétons «l’abandon »
par «la négation », il serait inutile de spécifier la prière, car le
résultat s’étendrait à la zakat, au jeûne et au pèlerinage. Car celui
qui nie le caractère obligatoire de l’un de ces piliers et l’abandonne devient
un mécréant, s’il n’est pas excusable pour son ignorance.
Comme les arguments textuels puisés dans la Révélation, les arguments
rationnels aussi indiquent l’impiété de celui qui abandonne la prière. Car
comment peut-on adhérer à la croyance tout en abandonnant la prière qui constitue
le support de la religion et pour l’exhortation à laquelle a été rapporté
des textes qui poussent toute personne raisonnable à l’observer ; et
pour la mise en garde contre l’abandon de laquelle a été rapporté des textes
qui incitent toue personne raisonnable à éviter son abandon ? Son abandon
malgré ces facteurs implique absence de croyance.
Si quelqu’un dit : n’est il pas probable que l’impiété dont il est question
dans le cas de celui qui abandonne la prière porte sur les bienfaits et ne
serait pas celle qui exclut de la religion ? Ne s’agit-il pas d’une impiété
en deçà de l’impiété majeure à l’instar des propos du Messager (bénédiction
et salut soient sur lui) : « Deux actes perpétrés par les gens
impliquent l’impiété : la remise en cause de la généalogie et les cris
pour un mort » et ses propos : « insulter un musulman est un comportement
de dévoyé et le combattre est une impiété » et des propos similaires
?
Nous disons que la théorisation de cette probabilité est invalidée
par plusieurs facteurs :
Le premier est que le Prophète (bénédiction et salut soient sur lui) considère
la prière comme la limite séparant la croyance et l’impiété et distinguant
entre les croyants et les mécréants d’une façon nette. Ce qui est séparé par
la limite ne peut pas se mélanger.
Le deuxième est que la prière constitue un pilier de l’Islam. Par conséquent,
quand celui qui l’abandonne est taxé de mécréant, cela implique qu’il s’agit
bien d’une impiété qui exclut son auteur de l’Islam car elle revient à détruire
un des piliers de l’Islam, contrairement à l’impiété générale dont on qualifie
celui qui commet n’importe quel acte de mécréance.
Le troisième est qu’il y a d’autres textes qui prouvent que l’impiété
de celui qui abandonne la prière est bien celle qui exclut son auteur de la
religion. Dans ce cas, il faut entendre par mécréance ce qu’indiquent des
textes concordants.
Le quatrième est que l’usage des termes «l’impiété » subit
des variations. A propos de l’abandon de la prière, il dit : « Seul ...
sépare le serviteur du polythéisme et de l’impiété ». L’emploi de l’article
«la » indique qu’il s’agit de la vraie mécréance. Sans l’article on comprendrait
une impiété indéfinie. Il en serait de même de l’emploi du verbe qui signifierait
qu’un tel acte implique une impiété ou traduit une impiété mais ne représente
pas l’impiété absolue qui exclut son auteur de l’Islam.
Dans son ouvrage intitulé Iqtidha as-sirat al-mustaqim, p. 70 édition
as-Sunna al-Muhamamdiyya, Cheikh al-Islam ibn Taymiyya dit en
guise de commentaire des propos du Messager d’Allah (bénédiction et salut
soient sur lui ) : « Deux actes perpétrés par les gens impliquent une
impiété .. » : « ses propos : impliquent une impiété
signifient que ces actes constituent une impiété véhiculée par les gens. Les
deux actes constituent une impiété car ils relèvent des actes de mécréance
que les gens ne cessent de perpétuer. Mais il n’est pas dit que toute personne
porteuse d’une portion de mécréance est nécessairement mécréante dans le sens
plein du terme. Car il faudrait pour cela que sa mécréance soit pleine. De
même, il n’est pas dit que toute personne porteuse d’une portion de croyance
devient croyante à part entière. Car il faudrait qu’elle possède une croyance
réelle. Aussi existe-t-il une différence entre «l’impiété » avec l’article
défini qui est mentionné dans les propos du Prophète (bénédiction et salut
soient sur lui ) «Seul l’abandon de la prière sépare le serviteur de
l’impiété et du polythéisme » et une impiété indéterminée citée dans
une phrase affirmative ». Fin de ses propos (Puisse Allah lui accorder
Sa miséricorde).
S’il est clair que celui qui abandonne la prière sans excuse commet une impiété
qui l’exclut de la religion aux termes des arguments présents, l’avis juste
s’avère celui soutenu par l’imam Ahmad, qui correspond aussi à l’un des avis
de Shafi’i sur le sujet d’après une affirmation d’Ibn Kathir dans le cadre
de son commentaire des propos du Très Haut : «Puis leur succédèrent des générations
qui délaissèrent la prière et suivirent leurs passions. Ils se trouveront
en perdition, » (Coran, 19 : 59). Dans son ouvrage intitulé As-salât,
Ibn al-Qayyim affirme que cet avis est l’un des deux ainsi soutenus dans l’école
shafi’ite et que at-Tahawi l’a rapporté directement de Shafi’i lui-même.
Cet avis s’atteste dans les propos de la majorité des Compagnons. Bien plus,
d’aucuns disent qu’il fut l’objet d’un consensus en leur sein. Abd Allah Ibn
Shaqiq dit : « L’abandon d’aucun acte n’était perçu par eux comme une
impiété, hormis la prière » (rapporté par at-Tarmidhi, et al-Hakim l’a
authentifié sur la base des conditions de Boukhari et Mouslim). Ishaq
Ibn Rahouya, l’imam bien connu, a dit : « Il a été rapporté de façon
sûre que le Prophète (bénédiction et salut soient sur lui ) a dit que celui
qui abandonne la prière est un mécréant. Ce qui a été l’avis des ulémas depuis
l’époque du Prophète (bénédiction et salut soient sur lui) jusqu’à nos jours
c’est que celui qui abandonne la prière délibérément sans excuse et persiste
dans son attitude jusqu’à la sortie de l’heure de la prière est un mécréant.
Ibn Hazm affirme que cet avis a été rapporté d’Omar, d’Abd Rahman Ibn Awf,
de Mouadh Ibn Djabal, d’Abou Hourayra et d’autres compagnons. Et il dit :
nous ne connaissons aucun compagnon qui aurait soutenu le contraire. Les propos
d’Ibn Hazm ont été rapportés par al-Moundhiri dans At-targhib wa at-tarhib
et il a ajouté les noms des Compagnons : Abd Allah Ibn Masoud, Abd Allah Ibn
Abbas, Djabir Ibn Abd Allah et Abou Darda (P.A.a). Ensuite il dit : « En
dehors des Compagnons, (l’avis est soutenu par ) Ahmad Ibn Hanbal, Ishaq
Ibn Rahouya, Abd Allah Ibn al-Moubarak, an-Nakhai, al-Hakam Ibn Utba, Ayyoub
as-Sikhtiyani, Ibn Harb et d’autres ». Allah le sait mieux.