Faire le pèlerinage grâce à un prêt assorti d’une garantie
Au cours de ces derniers temps, des compagnies de tourisme font la publicité de voyages organisés pour les pèlerinages majeur et mineur. Le bénéficiaire de ces voyages a la possibilité d’en payer les frais par tranches. Une telle organisation est faite pour faciliter le voyage à ceux qui désirent l’effectuer et pour attirer le plus grand nombre de voyageurs à une époque marquée par le marasme économique dans de nombreux pays et par le déficit de liquidité chez leurs citoyens… Certaines Compagnies ont annoncé leur disponibilité à accepter le paiement par carte de crédit.
Que prévoit la loi pour celui qui effectue les pèlerinages majeur et mineur par ce moyen ?
Le pèlerinage ainsi effectué est-il valide ? L’on sait que certains jurisconsultes ont émis un avis autorisant le financement du pèlerinage par des crédits remboursables par tranches dans le but de faciliter un voyage marqué par la hausse aigue de ses charges ?
Louanges à Allah
Le pèlerinage est l’un des piliers de l’Islam,
l’un de ses grands fondements. Il est prescrit dans le livre d’Allah Très
Haut et dans la Sunna de Son Messager (bénédiction et salut soient sur lui)
et selon le consensus des musulmans. Allah Très Haut dit : «Là
sont des signes évidents, parmi lesquels l'endroit où Abraham s'est tenu debout;
et quiconque y entre est en sécurité. Et c'est un devoir envers Allah pour
les gens qui ont les moyens, d'aller faire le pèlerinage de la Maison. Et
quiconque ne croit pas... Allah Se passe largement des mondes. » (Coran, 3 : 97).
D’après Ibn Omar (P.A.a) le Messager d’Allah
(bénédiction et salut soient sur lui) a dit :
« l’Islam repose sur cinq piliers :
-
attester qu’il n’y a pas de dieu en dehors d’Allah et que Muhammad est
Son Messager ;
-
observer la prière ;
-
acquitter la zakate ;
-
jeûner le Ramadan ;
-
et accomplir le pèlerinage à La Mecque (rapporté par al-Boukhari, 8 et
par Mouslim, 16)
Le pèlerinage
n’incombe qu’à celui qui en a la capacité physique et financière. En effet,
Allah n’a imposé à personne de s’endetter pour faire le pèlerinage. Et il
n’est recommandé à personne de le faire dans ce cas. Mais si on le fait malgré
son incapacité, le pèlerinage ainsi accompli sera valide, s’il plaît à Dieu
Très Haut.
Cheikh Ibn Outhaymine (Puisse Allah lui accorder
Sa miséricorde) a été interrogé à propos de certaines personnes qui perçoivent
une avance de la société qui les emploie et la rembourse par des retenues
de salaires dans le but de faire le pèlerinage.
Il a répondu en ces termes : « Je
pense qu’on ne doit pas le aire puisque le pèlerinage n’incombe pas à une
personne endettée ! Comment alors s’endetter pour le faire ? Je
ne pense pas qu’il faille s’endetter pour le faire puisque le pèlerinage n’incombe
plus à l’intéressé. Il faut qu’il accepte de jouir de la dispense divine qui
lui est accordée et qui est une manifestation de l’immense miséricorde d’Allah.
il ne faut pas qu’il contracte une dette sans savoir s’il va pouvoir la régler
ou pas. Car il peut mourir avant de pouvoir la régler » (Madjmou fatawa
de Cheikh Ibn Outhaymine, 21/93.
Si la dette contractée pour faire le pèlerinage
est assorti d’un intérêt, c’est alors commettre l’un des plus graves péchés.
L’interdiction de l’usure est trop connue pour avoir besoin d’être argumenté.
Allah le Puissant et Majestueux dit : « Ocirc;
les croyants! Craignez Allah; et renoncez au reliquat de l'intérêt usuraire,
si vous êtes croyants. Et si vous ne le faites pas, alors recevez l'annonce
d'une guerre de la part d'Allah et de Son messager. Et si vous vous repentez,
vous aurez vos capitaux. Vous ne léserez personne, et vous ne serez point
lésés.» (Coran, 2 : 278
et 279).
Le Très Haut dit encore : «Ceux
qui mangent (pratiquent) de l'intérêt usuraire ne se tiennent (au jour du
Jugement dernier) que comme se tient celui que le toucher de Satan a bouleversé.
Cela, parce qu'ils disent: 'Le commerce est tout à fait comme l'intérêt'.
Alors qu'Allah a rendu licite le commerce, et illicite l'intérêt. Celui, donc,
qui cesse dès que lui est venue une exhortation de son Seigneur, peut conserver
ce qu'il a acquis auparavant; et son affaire dépend d'Allah. Mais quiconque
récidive... alors les voilà, les gens du Feu! Ils y demeureront éternellement. » (Coran, 2 :
275). Abdallah Ibn Massoud (P.A.a) dit : « Le Messager d’Allah (bénédiction
et salut soient sur lui) a maudit le producteur de l’usure et le consommateur
de ses revenus » (rapporté par Mouslim, 1597).
Comment un musulman accepte-t-il de commettre
un péché majeur à propos duquel Allah Très Haut a menacé de déclencher une
guerre contre ses auteurs , dans le but d’accomplir un pèlerinage non oblogatoire
pour lui parce que dépourvu de moyens?
Il est déjà indiqué dans la réponse donnée aux
questions 20107
et 11179 l’interdiction
des prêts assortis de garantie qui constituent une sorte d’usure.
S’agissant de la validité du pèlerinage, elle
se réalise même si l’argent utilisé était illicite. Mais le pèlerinage ne
serait pas agréé dans ce cas. C’est à ce propos que certains imams disent :
« Si tu fais le pèlerinage avec des biens
de provenance illicite
« tu n’as pas vraiment fait le pèlerinage,
mais c'est
« ta monture qui l’a fait.
« Allah n’agrée que ce qui est bon
Tout auteur de pèlerinage ne rencontre pas l’agrément
divin ».
Voir la question n° 34517.
An-Nawawi (Puisse Allah lui accorder Sa miséricorde)
dit : »Si on fait le pèlerinage grâce à des biens illicites ou utilise
une monture usurpée, on commet un péché, mais le pèlerinage ainsi fait reste
valide et suffisant selon nous. C’est aussi l’avis d’Abou Hanifa, de Malick
et d’al-Albani et de la majorité des jurisconsultes.
Voir al-Madjmou’, 7/40).
Les ulémas de la Commission Permanente ont été
interrogés en ces termes : « comment juger le pèlerinage fait avec
des biens illicites comme le revenu de la vente de drogues : ils
(les dealers) envoient des billets à leurs parents pour leur permettre de
faire le pèlerinage alors que ces derniers savent que les biens qu’ils utilisent
résultent du commerce de la drogue.. Un tel pèlerinage est-il agréé ?
Ils ont répondu en ces termes :
« Le fait d’accomplir le pèlerinage grâce
à des biens illicites n’empêche pas la validité du pèlerinage. Mais il en
résulte un péché dû au caractère illicite des gains. La récompense qu’on en
obtient est diminuée même si l’acte n’est pas caduc. Fatawa de la Commission
Permanente pour les Recherches Religieuses et la Consultance, 11/43.
Sur ce chapitre on rapporte ce hadith célèbre
mais faible : d’après Omar (P.A.a) le Messager d’Allah (bénédiction et
salut soient sur lui) a dit : « Quand le pèlerin muni de biens illicites
dit: Labbayka, Allahouma labbayka (Me voici mon Seigneur ! Me
voici » - Allah le Puissant et Majestueux dit : « Laa Labbayka
wa laa saadayka wa nadjouka mardoudoun alayka » = (Tu n’es pas le
bienvenu ; tu ne seras pas heureux puisque ton pèlerinage est rejeté ».
D’après Ibn al-Djawzi, ce hadith n’est pas rapporté
du Messager d’Allah(bénédiction et salut soient sur lui) de façon sûre ».
Voir al-ilal al-montanahiya, 2/566. Allah le sait mieux.