La femme enceinte et celle qui allaite n’observaient pas le jeûne, mais elles doivent effectuer un jeûne de rattrapage et ne peuvent pas se contenter de nourrir un pauvre
J’ai lu qu’il était permis à la femme enceinte et à celle qui allaite de ne pas observer le jeûne et de se contenter de nourrir (un pauvre) sans effectuer un jeûne de rattrapage. On utilise pour étayer cet avis un hadith rapporté d’Ibn Omar allant dans ce sens… Est-il exact ? Donnez-nous une réponse argumentée. Puisse Allah vous bénir…
Louanges à Allah
Il y a une divergence de vues au sein des ulémas à propos du jugement
à porter à la femme enceinte et à celle qui allaite si elles n’observent pas
le jeûne. Ils ont émis plusieurs avis :
Le premier est qu’elles ne doivent effectuer qu’un jeûne de rattrapage.
C’est l’avis de l’imam Abou Hanifa (Puisse Allah lui accorder Sa miséricorde).
C’est aussi l’avis d’Ali Ibn Abi Talib (P.A.a).
Le deuxième avis est que si elles craignent pour elles-mêmes, elles n’auront
qu’à effectuer un jeûne de rattrapage. Si elles craignent pour leurs enfants,
elles doivent effectuer un jeûne de rattrapage et nourrir un pauvre pour chaque
jour. C’est l’avis des imams Ahmad et Chafii. Al-Djassas l’a également rapporté
d’Ibn Omar (P.A.a).
Le troisième avis est qu’elles peuvent se contenter de nourrir un pauvre
(pour chaque jour non jeûné). Et elles n’ont pas à effectuer un jeûne de rattrapage.
C’est l’avis d’Abd Allah ibn Abbas (P.A.a). Ibn Qudama (P.A.a) l’a rapporté
dans al-Moughni (3/73) d’Ibn Omar (P.A.a).
Abou
Dawoud (2318) a rapporté d’Ibn Abbas que l’expression «Mais pour ceux qui
ne pourraient le supporter qu' (avec grande difficulté), il y a une compensation:
nourrir un pauvre. » (Coran, 2 : 184) était une dispense accordée
au vieillard et à la vieillarde encore capables d’observer le jeûne; on leur
permettrait de ne pas le faire et de nourrir un pauvre pour chaque jour non
jeûné. La dispense profite aussi à la femme enceinte et à celle qui allaite
si elles éprouvent des craintes. Selon Abou Dawoud cela signifie que si elles
craignent pour leurs enfants, elles s’abstiennent de jeûner et nourrissent
un pauvre (pour chaque jour non jeûné ». An-Nawawi dit que la chaîne
de transmission de ce hadith est bonne. Et Al-Bazzaz l’a cité et ajouté à
la fin : « Ibn Abbas disait à sa concubine enceinte : tu es
assimilable à celui qui ne peut pas l’observer, tu peux te contenter de nourrir
un pauvre. Et tu n’as pas à effectuer un jeûne de rattrapage ». la chaîne
de transmission du hadith a été authentifié par ad-Daraqutni selon l’affirmation
d’al-Hafiz dans at-Talkhis.
Dans ahkam al-qur’an, al-Djassas a rapporté une divergence de vues au sein
des compagnons sur cette question en ces termes : « les ancêtres
pieux ont émis trois avis sur la question : Selon Ali, la femme enceinte
et celle qui allaite n’ont pas à procéder à une expiation si elles n’observent
pas le jeûne. Pour Ibn Abbas, elles doivent procéder à une expiation sans
effectuer un jeûne de rattrapage. Quant à Ibn Omar, il pense qu’elles doivent
faire les deux. Ceux qui estiment qu’elles peuvent se contenter d’un jeûne
de rattrapage s’appuient sur plusieurs arguments :
1/
Le hadith rapporté par an-Nassaï (2274) d’après Anas selon lequel le Prophète
(bénédiction et salut soient sur lui) a dit : « certes Allah a
dispensé le voyageur, la femme enceinte et celle qui allaite de la moitié
de la prière et du jeûne » (déclaré authentique par al-Albani dans Sahihi an-Nassaï ).
Dans ce hadith, le Prophète (bénédiction et salut soient sur lui) assimile
la femme enceinte et celle qui allaite au voyageur. Or celui-ci est autorisé
à s’abstenir du jeûne du Ramadan pour le rattraper plus tard. Aussi, devrait-il
en être de même pour la femme enceinte et celle qui allaite. Voir Ahkam al-Quran d' al-Djassas.
2/ L'assimilation de la femme enceinte et celle qui allaite au malade
qui est autorisé à ne pas observer le jeûne du Ramadan mais qui devra effectuer
un jeûne de rattrapage.
Voir al-Mouhgni (3/37) et al-Madjmou’ (6/273), un groupe d’ulémas a choisi cet avis.
Dans Madjmou al-Fatawa (15/225), cheikh Ibn Baz dit : « La femme enceinte et celle
qui allaite sont assimilées au malade ; si le jeûne leur est pénible,
elles peuvent s’en abstenir, quitte à l’observer plus tard, quand elles en
seront capables, comme le ferait le malade. Certains ulémas soutiennent qu’elles
leur suffisent de nourrir un pauvre pour chaque jour non jeûné. Cet avis est
faible et laisse à désirer. Ce qui est juste, c’est qu’elles doivent effectuer
un jeûne de rattrapage à l’instar du voyageur et du malade en vertu de la
parole du Très Haut : « Quiconque d' entre vous est malade ou en
voyage, devra jeûner un nombre égal d' autres jours.» (Coran, 2 : 184).
Le même Cheikh dit dans Madjmou' al-Fatawa, 15/227 : « Ce qui est juste c’est que la
femme enceinte et celle qui allaite doivent effectuer un jeûne de rattrapage.
Car l’avis (contraire) fondée sur ce qui a été rapporté d’après Ibn Abbas
et Ibn Omar selon lequel elles peuvent se contenter de nourrir un pauvre pour
chaque jour non jeûné est un avis faible qui laisse à désirer pour son non-conformité
avec les arguments religieux. En effet, Allah le Transcendant dit : «Quiconque
d' entre vous est malade ou en voyage, devra jeûner un nombre égal d' autres
jours » (Coran, 2 : 184). La femme enceinte et celle qui allaite
sont assimilées au malade et non au vieillard incapable. De ce fait, elles
effectuent un jeûne de rattrapage quand elles peuvent le faire, fût-ce tardivement.
Une des fatwa de la Commission Permanente (10/220) se présente en ces termes :
« Si la femme enceinte craint pour elle-même ou pour son enfant des effets
du jeûne de Ramadan, elle peut s’abstenir de jeûner, quitte à effectuer un
jeûne de rattrapage plus tard à l’instar du malade incapable de jeûner ou
craignant que le jeûne lui porte préjudice. Agrave; ce propos, le Très Haut
dit : « Quiconque d' entre vous est malade ou en voyage, devra jeûner
un nombre égal d' autres jours» (Coran, 2 : 184). Il en est de même de
la femme qui allaite. Car, si elle craint que le cumul du jeûne avec l’allaitement
lui porte préjudice ou craint de porter atteinte à son enfant si elle jeûne
et ne l’allaite pas , elle s’abstient du jeûne dans les deux cas, quitte à
effectuer un jeûne de rattrapage.
L’une des fatwa de la Commission Permanente (10/226) dit :
« Quant à la femme enceinte, elle doit observer le jeûne pendant sa grossesse
à moins qu’elle ne craigne que le jeûne ne lui porte préjudice ou ne le porte
à son enfant. Dans ce cas, elle est autorisée ne pas observer le jeûne. Mais
elle devra le rattraper quand elle aura recouvré sa propreté rituelle après
les couches. .. Le fait de nourrir un pauvre ne le dispensera pas du jeûne
de rattrapage. En revanche, ce jeûne absolument nécessaire, peut la dispenser
d’avoir à nourrir un pauvre.. »
Dans ach-charh al-mumti’
(6/220), cheikh Ibn Outhaymine dit après avoir évoqué la divergence de vues
opposant les ulémas sur la question et choisi qu'elles n'ont qu'à effectuer
un jeûne de rattrapage : « cet avis est, selon moi, le mieux que
d’assimiler les deux femmes en question au malade. Or celui-ci se contente
d’effectuer un jeûne de rattrapage ». Allah Très Haut le sait mieux.